Pendant un conflit armé, les parties en opposition cherchent à maintenir l’ordre établi ou à établir un « nouvel ordre ». Cependant, il y a aussi celles et ceux qui en subissent les conséquences. Peut-on considérer les victimes innocentes comme de simples dommages collatéraux ? La lutte contre l’extrémisme violent, même si guerre asymétrique, n’y déroge pas.
En effet, elle confronte souvent les partisans de la légalité à des individus armés non étatiques, qu’ils soient étrangers ou nationaux. Ces derniers cherchent notamment à semer la terreur, à déstabiliser le pays, à imposer de nouvelles règles ou normes, et à s’affirmer comme de nouvelles autorités ou représentants des communautés négligées. Il sera difficile de dissuader les personnes sans perspectives de mettre fin à leurs activités si elles tirent des revenus ou bénéficient d’une
reconnaissance sociale grâce à leur collaboration avec des groupes armés ou criminels.
À travers divers exemples, les faces cachées du mal en question seront mises en exergue.
• Les Forces de Défense et de Sécurité doivent faire preuve d’un sens profond du devoir et de professionnalisme en toutes circonstances. Cependant, ce sont en premier lieu des citoyens qui peuvent ne pas avoir une grande expérience dans un contexte de guerre asymétrique, voire de guerre. Parfois, ce sont des conjoints, des enfants ou des parents qui ont quitté leur foyer pour garantir la sécurité de tous. En cas de décès au combat, des vies sont complètement bouleversées. Les parents se retrouvent confrontés à l’inhumation de leur enfant, et les enfants se retrouvent subitement orphelins. Aucune indemnisation financière, rien ne pourra combler un tel vide.
• Les arrestations peuvent devenir source de stigmatisation. Parfois, être simplement soupçonné et placé en détention provisoire, surtout pendant une période prolongée, peut conduire à la radicalisation des individus, même s’ils sont par la suite libérés après un séjour injuste en détention. Au-delà de l’impact sur la personne concernée, toute la famille peut subir l’injustice ou l’humiliation, avec les risques associés.
• Certaines régions se retrouvent confrontées à des risques accrus et à une accessibilité réduite en raison de l’occupation ou des agressions. Cela est néfaste pour l’économie locale et sur les communautés qui y sont établies. Ces zones tendent à être isolées du reste du pays, engendrant ainsi un profond sentiment d’abandon et d’impuissance. Les autochtones non-résidents pourraient progressivement perdre accès à ces régions, ce qui les priverait de leurs racines et à leurs familles à long terme.
• En situation d’incarcération des parents, en particulier pour les familles monoparentales, il peut s’avérer compliqué de s’occuper de leurs enfants pendant la période de détention. Même si la famille élargie est présente, elle n’est pas toujours en mesure d’apporter son soutien. Des considérations économiques sont parfois avancées, mais d’autres fois, c’est la peur d’être accusé de complicité qui prévaut, ce qui a un impact négatif sur les enfants.
• L’éducation est en péril quand les écoles sont prises pour cibles. Ainsi, « en juin 2023, plus de 9 132 établissements scolaires étaient fermés en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel central. » La fermeture d’écoles pour cause d’insécurité est une réalité pour certaines communautés. Même en présence d’un système alternatif, le droit à l’éducation des enfants issus de telles communautés est compromis voire hypothéqué. « Ce phénomène affecte de nombreux enfants, y compris les filles, qui deviendront des citoyens actifs dans le futur, ce qui influencera la gouvernance de leurs pays. »
• Parfois, un jeune disparaît mystérieusement sans laisser de traces. Sa famille, ses camarades de classe et ses professeurs sont sans nouvelles pendant des mois. Lorsqu’il réapparaît, il est complètement endoctriné, cherchant à entraîner d’autres dans son sillage, ou bien la triste nouvelle de son décès est annoncée. Un avenir souvent brisé, que ce soit par la force, l’ignorance ou la recherche de gains faciles.
• Le Mariage forcé qu’il soit du fait des parents ou à la suite d’un kidnapping ou les violences sexuelles, représente la nouvelle et difficile réalité à laquelle des jeunes filles des communautés touchées doivent faire face4.
• Le phénomène des enlèvements contre rançon s’accroît dans les régions à risque, et toute personne considérée comme solvable est susceptible d’en être victime.
• Certaines personnes sont mises à mort car elles ont refusé de coopérer avec des groupes armés ou parce qu’elles sont soupçonnées de collaborer avec les autorités. Des exécutions sommaires devant la famille et les proches ont lieu pour mieux instaurer le climat de terreur et l’allégeance tant recherchés.
• L’adage « on est mieux que chez soi » souligne la difficulté de devoir quitter son domicile voire son pays de manière soudaine, par peur ou par contrainte. Que ce soit pour les déplacés internes ou les réfugiés, reconstruire sa vie à partir de zéro, souvent en dépendant de l’hospitalité et de la bonne volonté d’autrui, représente un défi considérable. En mai 2024, environ 331 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du Mali, ce qui représente 87 623 ménages. On comptait également 288 000 Maliens réfugiés dans les pays voisins et 94 000 réfugiés accueillis dans le pays.5 Selon l’OIM, dès 2015, « Boko Haram a causé le déplacement de plus d’un million de personnes au Nigeria. »
• Le changement climatique tend à aggraver certaines vulnérabilités, ce qui met entre autres les agriculteurs et éleveurs sous une pression accrue en raison du manque de terres arables et de pâturages. Ceci pousse certains à rejoindre des groupes armés non étatiques pour des
raisons de survie. Ainsi, des chefs de famille autrefois respectables se retrouvent du jour au lendemain impliqués dans des activités illégales, voire terroristes, avec un impact négatif sur leur famille et leur perception par la société.
Des existences, des familles, des communautés, des cultures et des nations sont ravagées ou fragilisées par le terrorisme et l’extrémisme violent. Quel que soit le gain immédiat pour certains, tout le monde finit par perdre à long terme. Comment prétendre pouvoir contrôler le chaos ? Par conséquent, le barrage contre toute forme d’extrémisme, en particulier celui violent, doit être unanime et sans équivoque en privilégiant l’union nationale, le dialogue inclusif et la cohésion sociale. Les intérêts partisans et particuliers doivent faire place à l’union sacrée des forces vives de la nation.
Nadia Nata